En finir avec la rotation des cultures

189 comments on En finir avec la rotation des cultures
Le puzzle des rotations
Le puzzle des rotations

Dès que l'on prononce le mot "rotation" au potager, les oreilles s'ouvrent et les fronts se plissent. C'est un sujet épineux qui fait suer de nombreux jardiniers amateurs. Il faut reconnaître que c'est un vrai casse-tête chinois et à la lecture de certains livres, on en viendrait presque à couper les haricots en quatre !

Dans cet article, vous allez découvrir pourquoi cette pratique est devenue inutile quand on fait un potager dit "naturel", c'est-à-dire qui respecte la vie du sol.

La rotation des cultures, c'est quoi ?

C'est une planification des cultures qui veille à ne pas cultiver plusieurs fois de suite un même légume au même endroit du potager.

Pourquoi a-t-on inventé la rotation des cultures ? Parce que des cultivateurs ont remarqué qu'il se produisait un appauvrissement du sol et une augmentation des maladies et des ravageurs, quand ils faisaient pousser plusieurs années à la suite les mêmes légumes dans le même champ.

Il existe plusieurs méthodes de rotation des légumes. Je vais juste vous en présenter quelques-unes à titre d'exemples. Pour pouvoir être appliquées, ces méthodes demandent de diviser la surface de culture en plusieurs parcelles de même taille.

Tableau de rotation : le potager est divisé en 4 parties et on fait tourner les cultures

Exemple 1 : rotation par type de légume sur 3 parcelles

La parcelle n° 1 reçoit les légumes-racines (betteraves, carottes, navets, radis...)

La parcelle n° 2 reçoit les légumes-fruits (aubergines, concombres, courgettes, tomates...)

La parcelle n° 3 reçoit les légumes feuilles (choux, épinards, poireaux, salades...) et les légumes-grains ou légumineuses (haricots, pois...).

La parcelle n° 4 reçoit les pommes de terre.

Et l’année d’après, on fait tourner : les légumes racines seront cultivés sur la parcelle n° 2, les légumes-fruits sur la n° 3, les légumes-feuilles sur la n° 4 et les pommes de terre sur la n° 1.

Exemple 2 : rotation par famille botanique sur 5 parcelles

La parcelle n° 1 accueille les Liliacées (ail, oignon, échalote, poireau...)

La parcelle n°2 accueille les Solanacées (tomate, pommes de terre, aubergine...)

La parcelle n° 3 accueille les Fabacées (pois, haricot...)

La parcelle n° 4 accueille les Brassicacées (chou, radis, navet...)

La parcelle n° 5 accueille les Cucurbitacées (courgettes, concombres, potirons...).

Nous en sommes déjà à 5 familles et je ne vous ai pas mis les Apiacées (carottes, persil) ni les Composées (laitues) !

Exemple 3 : rotation par besoin en fertilité du sol sur 3 parcelles

La parcelle n° 1 contient les légumes gourmands (tomates, courges, épinards, choux...)

La parcelle n° 2 contient les bons-mangeurs (carotte, céleri, salade...)

La parcelle n° 3 contient les sobres (pois, haricot, oignon...).

Dans cet exemple, un apport de fertilisant n'est fait que sur la parcelle contenant les légumes gourmands.

Comme vous pouvez le voir à travers ces exemples, cela demande une organisation extraordinaire pour réussir à appliquer ces principes de rotation, surtout quand on aime faire pousser une grande diversité de légumes.

Qui doit appliquer la rotation des cultures ?

Pour les agriculteurs et les maraîchers qui font de la monoculture et qui appliquent les méthodes de l'agriculture intensive (labour, engrais chimiques, pesticides), il est indispensable de suivre un plan d'assolement pour la rotation des cultures. Sinon elles seraient vite envahies par les parasites et le sol deviendrait carencé.

Mais vous vous rendez bien compte que plus le potager est petit et plus le nombre de légumes différents est grand, plus c'est difficile d'appliquer ces principes de rotation. C'est même quasiment impossible !

Prenons par exemple une plate-bande potagère de quelques mètres carrés. Elle va peut-être contenir quelques pieds de tomates, un rang de haricots, un rang de laitue et des radis en bouche-trou. On a déjà 4 légumes différents ! Et dans la plate-bande d'à-côté, des légumes encore différents !

Or ce qui nous intéresse, les jardiniers d'aujourd'hui, c'est d'avoir du plaisir à cultiver notre petit coin de biodiversité chez nous. Nous aimons diversifier les légumes et expérimenter des variétés inhabituelles, même si cela se fait parfois au détriment de la productivité.

Alors dans un potager, si on ne pratique pas les rotations formelles, que va-t-il se passer ?

Le sol va-t-il s'appauvrir et des carences vont-elles apparaître ?

Déjà, il faut savoir qu’un sol de potager ne s’épuise pas d’un seul coup d’une année sur l’autre ! Heureusement et cela permet beaucoup de souplesse dans la répartition des légumes.

Et le fait d'apporter régulièrement de la matière organique va éviter les problèmes de carences. Et cela va aussi diminuer l’apparition de maladies et de parasites, car ces deux problèmes apparaissent surtout sur les plantes faibles.

La matière organique pourra être apportée sous de nombreuses formes :

  • Paillis sur toutes les parcelles et sur les allées, pas seulement durant l’été mais pendant toute l'année. La décomposition progressive du paillis va nourrir la terre.
  • Compostage en surface : il s'agit de laisser sur place les fanes de légumes lorsqu'on les récoltes. On peut aussi ramener et étaler les épluchures de cuisine sur le paillis.
  • Apport de compost ou de fumier bien décomposés : c'est bien toléré par tous les légumes.
  • Apport de compost demi-mûr (c'est-à-dire à moitié décomposé) : les courges et les tomates vont adorer !
  • Culture de couverts végétaux (engrais verts) sur les parcelles inoccupées et pendant l'hiver.

Comment tenir compte des besoins nutritifs des différents légumes ?

Par exemple un pied de tomates qui produit de nombreux fruits aura besoin de beaucoup plus de nutriments qu'un oignon qui a emmagasiné des réserves dans son bulbe. La solution est encore la matière organique et le compost. Ces apports vont se décomposer en une matière stable : l'humus. Et le gros avantage de l'humus, c'est que les différents légumes vont pouvoir puiser leur nourriture dedans, chacun selon ses besoins, sans risque "d'overdose" comme ce serait le cas avec un engrais.

Les carences ne peuvent pas se produire car les réserves du sol sont perpétuellement renouvelées avec la décomposition de la matière organique par tous les micro-organismes qui vient dans la terre.

Les mêmes parasites vont-ils revenir chaque année ?

Il faut distinguer deux types de parasites : ceux qui vivent dans le sol et ceux qui se déplacent en volant.

Faire une rotation des cultures ne servira à rien pour éviter les insectes volants car vu la taille moyenne d'un potager, ils n'auront que quelques mètres à voler pour retrouver leur légume de prédilection sur la plate-bande d'à-côté !

Pour les insectes (ou leurs œufs) qui hibernent dans le sol, c'est la même chose car une fois adultes, ils se déplaceront facilement en volant. Par exemple les altises ou la mouche de la carotte.

C'est uniquement pour un très petit nombre de parasites qu'une rotation peut servir à quelque chose. En fait, je n'en vois qu'un seul : les nématodes qui sont de petits vers microscopiques attaquant les racines des tomates. Mais il est très rare d'en avoir dans les potagers amateurs (un peu moins sous une serre). Et si c'était le cas, c'est une rotation longue de 6 ou 7 ans qu'il faudrait mettre en place pour être sûr de s'en débarrasser !

Les mêmes maladies vont-elles réapparaître chaque année ?

Pareillement, cela ne va concerner que les maladies qui survivent dans le sol pendant l'hiver. Parmi les jardiniers, on entend souvent dire : "la rotation permet d'éviter l'apparition du mildiou sur les tomates". Sauf que des études ont montré que le mildiou ne survit que dans les tissus vivants. Dans nos régions, les plants de tomates meurent en hiver et les parties infestées par le mildiou comme les tiges et les feuilles vont se dessécher, mettant fin à la maladie. Les spores du mildiou, quant à elles, sont transportées par le vent, donc elles sont présentes chaque année dans tous les jardins. Ce n'est pas une rotation qui va les empêcher d'arriver.

La seule chose qui peut se produire dans nos potagers, c'est si un bulbe de pomme de terre porteur du mildiou est oublié sous la terre pendant l'hiver. Si ce bulbe germe l'année suivante, il pourrait contaminer les plantes de la même famille que sont les tomates et les pommes de terre.

Il existe aussi des maladies pour lesquelles une rotation des cultures ne sera d'aucun secours, car le même pathogène est susceptible d'infecter des légumes de différentes familles. C'est le cas de Phytophthora capsici, un champignon qui s'attaque aussi bien aux courges qu'aux haricots et aux poivrons !

Par contre, une rotation peut s'avérer utile pour des maladies comme la hernie du chou, la pourriture grise de la carotte, la gale de la pomme de terre ou la sclérotiniose de la laitue.

Mais chaque maladie a une durée de vie différente dans le sol, et encore faut-il arriver à l'identifier correctement, ce qui est une tâche pour le moins ardue pour nous-autres jardiniers amateurs.

Chez moi, je plante mes tomates depuis 15 ans à la même place et je n'ai aucun souci.
Je connais aussi un vieux jardinier qui fait pousser les siennes depuis 42 ans au même endroit, toujours avec de magnifiques récoltes.

En fin de compte, que peut-on faire dans notre potager ?

Pour terminer, je vais vous proposer 3 façons de gérer les rotations dans votre potager.

1. Si vous n’avez constaté aucune maladie grave, voici une règle facile

Remplacez un légume-feuille par un légume-racine et vice-versa.

Faites comme vous voulez pour les légumes-fruits et les légumes-grains.

2. Encore plus simple :

Essayez simplement au feeling de ne pas remettre un légume au même endroit que l’année dernière, c’est tout.

3. C’est encore trop compliqué ?

Alors oubliez les rotations !

C'est ce que je fais dans mon potager. Comme j'entretiens la vie du sol grâce à un paillis permanent autour des légumes, je ne me préoccupe plus du tout des rotations.

Les légumes principaux (de grande taille et qui occupent longtemps l'espace) vont chaque année sur les mêmes parcelles : tomates, choux, courges, pommes de terre...

Les plants sont sains et produisent de belles récoltes année après année.

Par contre les légumes secondaires (plus petits et avec un temps de culture plus court) sont répartis chaque année à côté ou entre les légumes principaux : salades, céleris, oignons, radis...

Et vous, êtes-vous plutôt du genre à appliquer strictement les rotations en pensant "il ne faut jamais qu'un poireau revienne sur un poireau" ou bien placez-vous vos légumes de manière plus décontractée ?

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Réponses

Les commentaires :
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  1. VIOLETTE (grans Est)

    Ouf ! Merci pour cet article, quel soulagement de voir enfin le problème des petites surfaces évoqué par rapport aux rotations ! Entre la taille des parcelles à cultiver et les expositions ombre/soleil qui ne collent jamais, etc...Je me décarcasse depuis plusieurs années et en fait c'est de pire en pire... je vais donc revenir à la méthode du feeling sans stress et voir venir. Bon printemps !

  2. Amélie (Bourgogne)

    Bonjour,
    Merci pour cet article clair et concis.
    Bon jardinage !

  3. Cécile

    Merci Nicolas ! Très instructif, et cette année, je fais ´au feeling’ en mélangeant les rangs !

  4. daniel (daniel.barthes0622@orange.fr)

    bonjour Nicola jais dut matériel pour semi rootrainers semis verticale pas de chinion pousse rapide pour faire profiter a un jardinier je suis a narbonne

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