Reportage au Potager du Paresseux

Lors d'un récent déplacement en Alsace, j'ai eu la chance d'être accueilli par Didier Helmstetter pour une visite de son potager.  Son "potager du paresseux" comme il l'appelle, car le but est de minimiser le plus possible ses efforts physiques, tout en cultivant des légumes de façon naturelle sans produits chimiques, pour produire une nourriture saine.

Comment est situé ce potager ?

De création relativement récente (quelques années), ce potager se trouve sur un terrain d'environ 500 m2 en légère pente. Toute la surface n'est pas cultivée, laissant de larges passages enherbés avec du trèfle blanc qui a été semé exprès.

Derrière Didier, les parcelles couvertes de foin
Derrière Didier, les parcelles couvertes de foin


Quelle est la particularité du Potager du Paresseux ?

En fait il y en a deux : d'une part le sol de ce potager n'est jamais travaillé et d'autre part il est recouvert toute l'année d'une épaisse couche de foin.

À l'origine c'était une prairie et Didier a procédé de manière très simple pour créer ses planches de culture : il tond à ras un bout de prairie puis il le recouvre de 20 cm de foin. Quelques mois plus tard, l'herbe de la prairie s'est décomposée sous le foin et Didier va pouvoir mettre en place des cultures de légumes.

Et tout cela sans jamais retourner la terre.

Sous le foin, la terre est devenue bien grumeleuse
Sous le foin, la terre est devenue bien grumeleuse


La technique du foin

Chaque année en fin d'automne, pendant la seconde quinzaine de novembre, Didier place une couche de 20 cm de foin bien tassé sur la terre de chacune de ses planches de culture.

Pour cela, il utilise une balle de foin venant d'un agriculteur voisin.

Pourquoi du foin et pas de la paille, des tontes de pelouse ou bien du BRF ? Parce que le foin a une composition équilibrée et qu'il représente le meilleur compromis en tant que paillis nutritif pour améliorer le sol. La paille est trop riche en cellulose et les tontes sont trop riches en azote.

Et en plus la paille a pu être traitée avec différents produits chimiques, en particulier des fongicides, alors que Didier cherche justement à favoriser les champignons microscopiques pour garder son sol vivant.

Au printemps, Didier va installer des plants de légumes en creusant des trous à travers le foin, dans le sol qui commence déjà à s'ameublir. Il pourra aussi faire des semis dans des sillons qu'il formera en découpant le foin grâce à un outil de son invention.

Le foin va être absorbé par le sol petit à petit jusqu'à la fin du mois d'août, et Didier va recharger si besoin en remettant une fine couche de foin avant les cultures d'automne.

Une balle de foin attend d'être étalée
Une balle de foin attend d'être étalée


Les avantages de cette technique

Didier explique que le foin étalé en couche épaisse va produire 4 effets bénéfiques pour le sol :

1er effet : un effet "bâche plastique noire" qui va empêcher les graines de mauvaises herbes annuelles de germer par manque de lumière. Et les herbes déjà présentes vont dépérir, toujours par manque de luminosité.

Avantage pour le jardinier paresseux : plus besoin de passer la binette pour désherber entre les légumes.

2ème effet : un effet nourrissant pour les vers de terre, ces grands travailleurs de l'ombre qui décompactent le sol et améliorent sa structure. Ils vont se multiplier et travailler encore plus. De même pour les bactéries et les champignons microscopiques qui font la qualité d'un sol vivant.

Avantage pour le jardinier qui veut épargner ses forces : plus besoin de bêcher son sol pour le décompacter.

3ème effet : un effet fertilisant pour la terre. En se décomposant, le foin (qui est rappelons-le un aliment complet pour les vaches par exemple) va apporter à la terre et donc aux légumes tous les éléments nutritifs dont ils ont besoin pour se développer.

Avantage pour le jardinier qui veut gagner du temps : plus besoin d'apporter de l'engrais, du fumier, ni même du compost.

4ème effet : un effet protecteur pour le sol. Abrité des rayons du soleil, l'eau ne peut s'en évaporer et les crevasses ne se forment plus dans les terres argileuses. Protégée de la pluie battante, la terre ne se tasse plus et reste préservée du froid, les légumes gagnant un sursis sur les gelées.

Le foin doit être bien tassé pour ne laisser passer aucune lumière
Le foin doit être bien tassé pour ne laisser passer aucune lumière


Quelques inconvénients ont été rencontrés

Au printemps la présence de limaces est un problème que Didier a pu réguler après quelques "ramassages".

Dans sa prairie vivent des rats taupiers (campagnols) qui creusent des galeries et se nourrissent des légumes. Le moyen le plus efficace qu'a trouvé Didier est d'utiliser ce type de pièges.

Toute l'énergie du liseron est concentrée dans ses racines
Toute l'énergie du liseron est concentrée dans ses racines


Observations sur les récoltes

D'une manière générale, les récoltes sont tout à fait satisfaisantes, et certainement pas moindres que dans un potager conventionnel.

Didier a même observé une meilleure résistance au mildiou sur les tomates (du moment qu'elles bénéficient du soleil matinal), une meilleure tenue au gel des salades.

Les mauvaises herbes annuelles sont presque inexistantes. Didier ne les arrache que si elles deviennent gênantes, et pour ne pas créer de manque dans le sol, il les jette à l'endroit où elles ont poussé.

Pour les vivaces, il reste le cas du liseron, dont Didier parvient à affaiblir le réseau racinaire en deux ou trois saisons grâce à des arrachages réguliers.

Les parasites (pucerons, etc…) sont limités par l'installation de "plantes martyres" comme la capucine car Didier part du principe que si l'on ne veut pas subir un parasite, il faut l'élever et favoriser ainsi l'apparition de ses ennemis naturels.

Un potager luxuriant !
Un potager luxuriant !


Mon avis sur ces techniques

J'ai pu constater de mes yeux que le triple objectif de ce potager était atteint : une bonne productivité, des légumes sains sans produits chimiques, et tout cela en épargnant au maximum le travail du jardinier qui se fait grandement aider par toute la micro-faune qui vit dans le sol.

D'ailleurs Didier ne se considère pas seulement comme un jardinier qui fait pousser des légumes, mais aussi, selon ses propres mots, "comme un cultivateur de champignons et un éleveur de vers de terre".

Je pense que ces techniques peuvent être appliquées dans la majorité des potagers, il faudra peut-être adapter un peu selon la région et le type de sol.

Dans mon potager, j'utilise déjà beaucoup le foin comme paillis car c'est ce que je trouve le plus facilement autour de chez moi. Grâce aux expériences de Didier, j'ai compris beaucoup de choses sur les effets bénéfiques de ce foin.

Étant un adepte des engrais verts, je vais tenter à la fin de cet été de combiner les deux techniques : je vais semer l'engrais vert (principalement des légumineuses cette année pour bénéficier de l'apport d'azote dans mon sol, et dont les graines sont assez grosses) sous une fine couche de foin, et une fois que les plantules seront sorties, j'épaissirai la couche de foin au fur et à mesure.

Pour soulager encore plus le travail du jardinier, il reste une étape à franchir (après celle du non-travail du sol et celle du couvert permanent par le foin) : c'est le couvert vivant. Didier à pour idée de mettre en place des plantes couvrantes peu vigoureuses, telles que la véronique ou le mouron blanc. Ces plantes vont recouvrir les parcelles de légumes à la place du foin. Je suis curieux de savoir ce que cela va donner.

Avant de faire les semis, des sillons sont découpés au couteau
Avant de faire les semis, des sillons sont découpés au couteau


Pour avoir d'autres détails sur les techniques de Didier Helmstetter

Un (très) long fil de discussions sur le forum Econologie.

La chaîne Youtube de Didier.

Pour finir je voudrais tous vous encourager à intervenir dans les commentaires ci-dessous : êtes-vous tenté d'appliquer ces techniques dans votre potager ? Si non pourquoi ?

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  • un article pratique où je vous apprends une nouvelle technique de culture que vous pourrez appliquer chez vous,
  • ou une vidéo qui vous montre ce qui pousse maintenant dans mon potager (y compris les ratages et les leçons à en tirer).
lm Général

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Réponses

Les commentaires :
(les plus récents sont en premier)

  1. Danielle

    Bonsoir Nicolas.
    Dans l'article que vous nous présentez vous distinguez la paille et le foin... Selon vous, le foin est préférable mais sur la photo je vois une balle de paille... Quelle différence entre le foin et la paille en fait?
    Merci pour vos réponses
    Amitiés
    Danielle

    1. nicolas (Toulouse)

      Bonjour Danielle,
      Non sur la photo c'est bien du foin ! 😉 La différence c'est que la paille est un résidu de culture (la tige sèche et creuse du blé). Tout ce qui est nourrissant a été enlevé (l'épi) pour faire de la farine par exemple.
      Le foin au contraire c'est une plante entière, souvent même plusieurs espèces de graminées qui ont poussé soit de manière assez sauvage, soit semés par l'agriculteur. Le foin se fauche quand les plantes sont encore vertes et en fleurs. C'est très nourrissant pour les animaux (fourrage) et quand c'est du foin de moins bonne qualité on l'utilise dans nos potagers, où il nourrira le sol bien mieux que de la paille.

      Avatar de nicolas
  2. Sylvie (charente maritime)

    Très intéressant, mais peut on trouver du foin non traité dans les jardinerie?

    1. nicolas (Toulouse)

      Bonjour Sylvie,
      Je n'ai vu que des bottes de paille en jardinerie, et elles n'étaient pas bio. Le foin lui n'est quasiment jamais traité car ce sont souvent des plantes qui poussent spontanément. Pour en trouver, il faut chercher "foin pour permaculture" dans le Bon Coin. En ce moment ce sera peut-être un peu plus difficile de trouver un agriculteur chez qui il en reste. Dans ce cas, mieux vaut s'y prendre juste après la période de fauche, qui est entre juin et août selon les régions.

      Avatar de nicolas
  3. Claudine (haut de france cote mer)

    Je vais essayer cette année

  4. Nathalie (Hautes Laurentides)

    Je suis débutante. J'ai hâte d'essayer.

  5. Brigitte

    Bonjour Nicolas !
    Moi aussi, j'avais zappé ce document. Je le découvre à point nommé !
    J'ai couvert mon potager de foin cet hiver.
    Je n'en ai pas eu assez pour les 50m2 restants que j'ai couvert de feuilles.
    Déception récente : ma terre était encore très compactée, alors que légère sous les feuilles.
    Il faut peut-être plusieurs années pour obtenir satisfaction ?
    On peut reprendre le foin utilisé pour pailler à nouveau ?
    Merci Nicolas.

    1. nicolas (Toulouse)

      Bonjour Brigitte,
      Oui l'amélioration du sol se fait progressivement sur plusieurs années.
      Habiter dans une région pluvieuse accélère les choses, car le foin mouillé se décompose plus vite et c'est sa "digestion" par toutes les petites bêtes du sol qui améliorent la terre.
      On peut bien sûr réutiliser le foin comme paillis jusqu'à sa décomposition complète.

      Avatar de nicolas
      1. Brigitte

        C'était à savoir.
        Une nouvelle fois, merci Nicolas.

  6. sandra

    Merci Nicolas pour ce beau document que je n'ai pu lire que maintenant. Mieux vaut tard que jamais !
    Bonne journée
    Sandra

  7. Valou

    Bonjour Nicolas
    Je démarre ma première année de retraitée par la création d'un petit potager. Mon voisin m'a parlé de la permaculture et je suis tentée de le faire. Est ce que je dois retourner ma terre une première fois où simplement dégager l'herbe qui a poussé ? Il n'y a jamais eu de culture. Je vais ensuite y poser mon compost et du foin. Faut il faire autrement ? J'attends votre réponse. Merci

    1. nicolas (Toulouse)

      Bonjour Valou,
      À moins d'avoir la chance (très rare) d'avoir une terre très meuble dès le départ, on passe généralement une étape de décompactage de la terre (qui n'est pas un retournement à proprement parler puisqu'on essaie de laisser les différentes couches dans l'ordre où elles se trouvaient).
      On en profite pour enlever les cailloux et les grosses racines.

      Avatar de nicolas
      1. Valou

        Bonsoir Nicolas
        Merci de votre réponse super rapide..avec quel outil je dois "décompacter" la terre ? Si j'ai bien suivi les commentaires sur le blog...je dois retrouver les couches suivantes dans cet ordre : terre compost foin voir carton entre la terre et le compost. Bonne soirée à tous

        1. nicolas (Toulouse)

          L'outil qui demande le moins d'efforts est la grelinette, qui existe en plusieurs largeurs. Si vous ne connaissez pas, je l'avais présentée en vidéo dans cet article : https://potagerdurable.com/ne-plus-becher-sa-terre-mais-l-aerer-avec-une-grelinette/

          Avatar de nicolas
  8. Geneviève

    Bonjour Nicolas et tous,
    je ne sais pas si vous connaissez la récolte du foin sous enrubanné. C'est le même principe que la lactofermentation pour nos propres conserves (exemple choucroute).
    Son PH est environ de 5.
    -Pensez-vous que ce soit trop acide pour démarrer un potager du type que vous décrivez? et si oui peut-on l'équilibrer en répendant un peu de chaux par exemple ?
    -Autre question: je n'ai pas de cartons. Puis-je dérouler le foin directement sur la terre?

    Merci beaucoup pour vos retours car après déménagement je recommence un potager à zéro et nous sommes déjà le 15 mars !! (dans le 41).
    Bon jardin...

    1. nicolas (Toulouse)

      Bonjour Geneviève,
      Vos questions sur le pH dépassent mes compétences, et en étant adepte du potager naturel, je ne recommande jamais la chaux car elle est très néfaste pour les vers de terre et la vie du sol en général.
      Pour le carton, il n'est absolument pas nécessaire d'en mettre si la couche de foin est assez épaisse pour empêcher la lumière du soleil d'atteindre la terre.

      Avatar de nicolas
  9. fa

    Ton article, que j'avais mis de côté, m' intéresse beaucoup car j'avais vu une vidéo, impossible de la retrouver, de quelqu'un qui préparait sa terre en mettant de botte de paille ou de foin.
    Comme ma terre est très argileuse, j'étais décidée de préparer le terrain en mettant des bottes pour l'année prochaine.
    Maintenant je sais que je dois prendre des bottes de foins mais j'ai un soucis, Didier fait des sillons mais j'ai prévu de faire 2 rectangles de 2m² que je deviserais en petites parcelle pour semer à la volée.
    Crois-tu, Nicolas, que cela sera possible ?
    Merci pour ton site.
    Fa

    1. nicolas (Toulouse)

      Bonjour Fabienne,
      Pour pouvoir semer à la volée, il faut que la terre ait été mise à nu avant, c'est-à-dire qu'il faut dépailler (ou attendre apprès le semis pour pailler).
      Pour ma part, je préfère tout semer en godets puis planter les plants obtenus au potager. C'est plus simple, il n'y a qu'à écarter un peu le paillis.

      Avatar de nicolas
      1. fa

        Merci Nicolas pour ta réponse si rapide.
        Le cerfeuil peut-il aussi être planter en pot ? C'est peut-être comme le persil, je vais essayer.

  10. Dominique

    Intéressant cet article sur le foin.
    Chez nous, nous disposons de 2000 m2 de surface en herbes de toutes sortes. Il s'agit de notre champ d'arbres fruitiers. L'herbe au sol qui est tondue de temps en temps l'été, pourrait servir de foin pour l'hiver ? En principe nous en utilisons de la fraiche que l'on place en paillage, mais avec les arrosages parfois cette herbe pourrit et brule certaines plantes.
    Qu'en pensez-vous ?
    Bien cordialement
    DOM

    1. nicolas (Toulouse)

      Bonjour Dominique,
      Le foin issu de prairies naturelles n'est parfois qu'un mélange de graminées, de légumineuses et d'herbes diverses.
      Alors oui, les herbes qui poussent chez vous peuvent très certainement servir de paillis une fois qu'elle aura séché.
      Si on paille en couche trop épaisse avec de l'herbe fraîche, c'est normal qu'elle "brûle" les plantes car elle entre en fermentation.
      Cela n'arrive jamais avec du foin sec.

      Avatar de nicolas
  11. ALEXIS

    Je l'applique depuis 3ans et suis satisfait pour les repiquages,pour les semis il faut aménager.

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