Lors d’un récent déplacement en Alsace [note : cet article a été écrit en 2016 et Didier n’avait alors publié aucun de ses livres. Aujourd’hui, son potager se porte très bien et prouve l’efficacité de la méthode dans son contexte de sol et de climat.] , j’ai eu la chance d’être accueilli par Didier Helmstetter pour une visite de son potager. Son “potager du paresseux” comme il l’appelle, car le but est de minimiser le plus possible ses efforts physiques, tout en cultivant des légumes de façon naturelle sans produits chimiques, pour produire une nourriture saine.
Comment est situé ce potager ?
De création relativement récente (quelques années), ce potager se trouve sur un terrain d’environ 500 m2 en légère pente. Toute la surface n’est pas cultivée, laissant de larges passages enherbés avec du trèfle blanc qui a été semé exprès.
Quelle est la particularité du Potager du Paresseux ?
En fait il y en a deux : d’une part le sol de ce potager n’est jamais travaillé et d’autre part il est recouvert toute l’année d’une épaisse couche de foin.
À l’origine c’était une prairie et Didier a procédé de manière très simple pour créer ses planches de culture : il tond à ras un bout de prairie puis il le recouvre de 20 cm de foin. Quelques mois plus tard, l’herbe de la prairie s’est décomposée sous le foin et Didier va pouvoir mettre en place des cultures de légumes.
Et tout cela sans jamais retourner la terre.
La technique du foin
Chaque année en fin d’automne, pendant la seconde quinzaine de novembre, Didier place une couche de 20 cm de foin bien tassé sur la terre de chacune de ses planches de culture.
Pour cela, il utilise une balle de foin venant d’un agriculteur voisin.
Pourquoi du foin et pas de la paille, des tontes de pelouse ou bien du BRF ? Parce que le foin a une composition équilibrée et qu’il représente le meilleur compromis en tant que paillis nutritif pour améliorer le sol. La paille est trop riche en cellulose et les tontes sont trop riches en azote.
Et en plus la paille a pu être traitée avec différents produits chimiques, en particulier des fongicides, alors que Didier cherche justement à favoriser les champignons microscopiques pour garder son sol vivant.
Au printemps, Didier va installer des plants de légumes en creusant des trous à travers le foin, dans le sol qui commence déjà à s’ameublir. Il pourra aussi faire des semis dans des sillons qu’il formera en découpant le foin grâce à un outil de son invention.
Le foin va être absorbé par le sol petit à petit jusqu’à la fin du mois d’août, et Didier va recharger si besoin en remettant une fine couche de foin avant les cultures d’automne.
Les avantages de cette technique
Didier explique que le foin étalé en couche épaisse va produire 4 effets bénéfiques pour le sol :
1er effet : un effet “bâche plastique noire” qui va empêcher les graines de mauvaises herbes annuelles de germer par manque de lumière. Et les herbes déjà présentes vont dépérir, toujours par manque de luminosité.
Avantage pour le jardinier paresseux : plus besoin de passer la binette pour désherber entre les légumes.
2ème effet : un effet nourrissant pour les vers de terre, ces grands travailleurs de l’ombre qui décompactent le sol et améliorent sa structure. Ils vont se multiplier et travailler encore plus. De même pour les bactéries et les champignons microscopiques qui font la qualité d’un sol vivant.
Avantage pour le jardinier qui veut épargner ses forces : plus besoin de bêcher son sol pour le décompacter.
3ème effet : un effet fertilisant pour la terre. En se décomposant, le foin (qui est rappelons-le un aliment complet pour les vaches par exemple) va apporter à la terre et donc aux légumes tous les éléments nutritifs dont ils ont besoin pour se développer.
Avantage pour le jardinier qui veut gagner du temps : plus besoin d’apporter de l’engrais, du fumier, ni même du compost.
4ème effet : un effet protecteur pour le sol. Abrité des rayons du soleil, l’eau ne peut s’en évaporer et les crevasses ne se forment plus dans les terres argileuses. Protégée de la pluie battante, la terre ne se tasse plus et reste préservée du froid, les légumes gagnant un sursis sur les gelées.
Quelques inconvénients ont été rencontrés
Au printemps la présence de limaces est un problème que Didier a pu réguler après quelques “ramassages”.
Dans sa prairie vivent des rats taupiers (campagnols) qui creusent des galeries et se nourrissent des légumes. Le moyen le plus efficace qu’a trouvé Didier est d’utiliser ce type de pièges.
Observations sur les récoltes
D’une manière générale, les récoltes sont tout à fait satisfaisantes, et certainement pas moindres que dans un potager conventionnel.
Didier a même observé une meilleure résistance au mildiou sur les tomates (du moment qu’elles bénéficient du soleil matinal), une meilleure tenue au gel des salades.
Les mauvaises herbes annuelles sont presque inexistantes. Didier ne les arrache que si elles deviennent gênantes, et pour ne pas créer de manque dans le sol, il les jette à l’endroit où elles ont poussé.
Pour les vivaces, il reste le cas du liseron, dont Didier parvient à affaiblir le réseau racinaire en deux ou trois saisons grâce à des arrachages réguliers.
Les parasites (pucerons, etc…) sont limités par l’installation de “plantes martyres” comme la capucine car Didier part du principe que si l’on ne veut pas subir un parasite, il faut l’élever et favoriser ainsi l’apparition de ses ennemis naturels.
Mon avis sur ces techniques
J’ai pu constater de mes yeux que le triple objectif de ce potager était atteint : une bonne productivité, des légumes sains sans produits chimiques, et tout cela en épargnant au maximum le travail du jardinier qui se fait grandement aider par toute la micro-faune qui vit dans le sol.
D’ailleurs Didier ne se considère pas seulement comme un jardinier qui fait pousser des légumes, mais aussi, selon ses propres mots, “comme un cultivateur de champignons et un éleveur de vers de terre”.
Je pense que ces techniques peuvent être appliquées dans la majorité des potagers, il faudra peut-être adapter un peu selon la région et le type de sol.
Dans mon potager, j’utilise déjà beaucoup le foin comme paillis car c’est ce que je trouve le plus facilement autour de chez moi. Grâce aux expériences de Didier, j’ai compris beaucoup de choses sur les effets bénéfiques de ce foin.
Étant un adepte des engrais verts, je vais tenter à la fin de cet été de combiner les deux techniques : je vais semer l’engrais vert (principalement des légumineuses cette année pour bénéficier de l’apport d’azote dans mon sol, et dont les graines sont assez grosses) sous une fine couche de foin, et une fois que les plantules seront sorties, j’épaissirai la couche de foin au fur et à mesure.
Pour soulager encore plus le travail du jardinier, il reste une étape à franchir (après celle du non-travail du sol et celle du couvert permanent par le foin) : c’est le couvert vivant. Didier à pour idée de mettre en place des plantes couvrantes peu vigoureuses, telles que la véronique ou le mouron blanc. Ces plantes vont recouvrir les parcelles de légumes à la place du foin. Je suis curieux de savoir ce que cela va donner.
Pour avoir d’autres détails sur les techniques de Didier Helmstetter
Un (très) long fil de discussions sur le forum Econologie.
Pour finir je voudrais tous vous encourager à intervenir dans les commentaires ci-dessous : êtes-vous tenté d’appliquer ces techniques dans votre potager ? Si non pourquoi ?
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